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18 mars 2010 4 18 /03 /mars /2010 08:31

829661_7067791-regdebat-t114a.jpgJean-Yves LeDrian, GuyHascoët et Bernadette Malgorn (ci-contre, de gauche à droite) ont livré, hier, aux téléspectateurs bretons un débat qu'auraient pu leur envier bien des ténors nationaux. Leurs talents partagés: une parfaite connaissance des dossiers, une argumentation charpentée, des convictions affirmées.

À gauche, Jean-Yves Le Drian, champion en titre et grand favori (37,2%). À droite, BernadetteMalgorn la challenger, boudée par les pronostiqueurs du premiertour (23,7%) mais revigorée par la triangulaire inespérée du second tour. Entre les deux, sur le plateau, mais néanmoins à gauche, l'écologiste GuyHascoët (12,2%), contraint de remonter sur le ring après l'échec des négociations d'union avec le président sortant. Ces trois poids lourds de l'action publique ont navigué dans les sphères de l'État (les hommes de gauche au gouvernement, la femme de droite dans la haute administration) et se sont frottés aux réalités territoriales (eux comme parlementaires, élus locaux et régionaux, elle dans la préfectorale). 

Chacun son projet 

On pouvait attendre de Jean-Yves Le Drian et de BernadetteMalgorn qu'ils possèdent sur le bout des doigts les sujets bretons sur lesquels ils ont planché, souvent ensemble, lui pendant ses six années de président, elle durant ses cinq années de préfète de région. Guy Hascoët n'a pas pour autant fait pâle figure à leur côté. Pour y arriver, il a certainement travaillé d'arrache-pied à rattraper son handicap depuis qu'il est entré en lice, voici cinq mois. Jean-Yves Le Drian était sans doute le plus tendu au début, même si son propos n'en a guère été altéré. C'est le lot du sortant, que d'être la cible privilégiée de ses concurrents et adversaires en quête de failles dans son bilan. Mais ni Guy Hascoët, ni Bernadette Malgorn n'ont choisi de jouer ce jeu-là. Ils ont préféré se consacrer à leur propre projet. 

La prime du sourire 

La prime du sourire revient à Bernadette Malgorn. Il est vrai qu'elle avait de quoi être ravie avec cette triangulaire qui lui tombe du ciel et les échanges aigres-doux entre ses deux adversaires à propos de l'échec de leur union, la première question du débat. Les propos sont cependant restés dans les limites de la bonne tenue. Du genre «Si vous vouliez bien me laisser parler, ce serait aimable», lancé par Hascoët à Le Drian. Ou, du même et à propos des bisbilles d'union ratée: «Jean-YvesLeDrian est trop influencé par les Rennais». Ce à quoi l'intéressé répond par ce qu'il a qualifié lui-même de «petite pique»: «Les écologistes rennais ont aussi eu une influence sur votre situation». Plus sévère, mais néanmoins réglo de la part du président: «Monsieur Hascoët est dans le fantasme en voulant faire croire qu'on va mettre des sommes considérables» dans le transfert de l'aéroport de Nantes. Et pour conclure: «Je voudrais qu'à l'avenir, les socialistes ne se mêlent pas de décider qui sont les bons et les mauvais écologistes», souhaite Guy Hascoët.


Politique de l'eau. Des outils inadaptés



Bernadette Malgorn.
«Nous sommes sous la contrainte de Bruxelles, une contrainte jusqu'alors extrêmement dure mais qui semble s'adoucir sous l'effet de l'autorité croissante des élus au détriment des bureaucrates. Un effet bénéfique, je suis favorable à l'autorité du politique sur l'administratif et je sais de quoi je parle! Je suis entrée en politique pour défendre la Bretagne à Paris et à Bruxelles, où c'est aujourd'hui le politique qui dirige. Le commissaire européen Michel Barnier n'est pas pour rien dans l'adoucissement que nous constatons. Il ne faut pas croire que la responsabilité incombe aux Bretons, ce n'est pas à eux de payer». 

Jean-Yves Le Drian. 
«Nous défendons aussi le rôle du politique dans la gestion de l'eau. Nous sommes pour la régionalisation de la politique de l'eau, pour une Agence de l'eau bretonne et non une Agence Loire-Bretagne qui va d'Ouessant au mont Gerbier-de-Joncs. Dans un rapport publié par le regretté président Philippe Séguin, la Cour des comptes fait l'inventaire des dysfonctionnements et conclut en estimant que les outils de la politique de l'eau sont aujourd'hui inadaptés». 

Guy Hascoët.
«La cogestion État-Région de l'eau ne réglera pas la question. Si on ne réduit pas les intrants et les pollutions de l'agriculture intensive, nous n'aurons pas d'amélioration. Quel est le bon niveau d'intervention? Faut-il plus de compétences au profit des régions? Nous verrons. Depuis trenteans, tout le monde, y compris l'État, s'assoit sur la loi. Et, depuis dixans, le tourisme a baissé de 20% en Bretagne et l'image de la région dégringole. La faute en revient à l'agriculture productiviste. Il faut baisser le nombre d'unités par bassin et trouver une formule de transition pour les agriculteurs».

Crise agricole. Réformer avec les agriculteurs



829661_7067224-malgorn2-t114a.jpgBernadette Malgorn.
«Nous avons des professionnels de l'agriculture. Ils sont performants et compétents, techniquement et écologiquement. Et ils entendent toutes sortes de gens qui viennent leur dire comment exercer leur métier. Une crise profonde secoue leur secteur et ils ont le sentiment de ne pas être entendus. Notre projet fait de la place à l'agriculture bio qui pourrait atteindre 20%. Mais la Bretagne a aussi besoin d'une agriculture productive et respectueuse de l'environnement. Nous avons un bassin de production, à nous de rester compétitifs. Ce n'est pas tant une question d'aides que de mécanismes à mettre en place. Les agriculteurs veulent vivre de leur travail». 

Guy Hascoët. 
«Les exploitants sont devenus des exploités agricoles. On a dérégulé le marché, les industriels ont poussé à la surproduction pour obtenir les prix les plus bas. L'Europe est-elle là pour protéger les agriculteurs ou pour les livrer pieds et poings liés au marché? J'ai de l'affection pour les agriculteurs. On ne peut pas leur demander d'être compétitifs, en concurrence avec d'autres pays du bout du monde. Nous voulons une agriculture qui rémunère les agriculteurs, par les marges de sociétés. Nous sommes pour une gestion régionale des aides européennes». 

Jean-Yves Le Drian. 
«On ne réformera pas l'agriculture sans les agriculteurs. Lors de la crise du lait, la France s'est réveillée très tard et la présidence française n'a pas été à la hauteur. Il faut de la détermination pour aborder l'élaboration de la nouvelle politique agricole commune. L'Allemagne s'est mieux débrouillée. Ici, c'est la production laitière qui dessine nos territoires. Il faut gérer les aides européennes, de l'ordre de600millions par an, différemment de ce qui se fait dans le reste de la France»

Point de vuePar Hubert Coudurier Le Drian découvre l'opposition

Bernadette Malgorn avait connu un début de campagne tumultueux en raison du député villepiniste Jacques Le Guen. Lequel refusait de lui céder la tête de liste de la majorité présidentielle. Jean-Yves Le Drian aura vécu une fin de campagne agitée du fait de son opposition à l'écologiste GuyHascoët. En se singularisant, tout comme le Limousin, par une triangulaire, la Bretagne a remis un peu de suspense dans cette élection régionale bien terne où tout semblait joué dès le premier tour. Certes, la liste du leader socialiste a creusé l'écart avec sa concurrente, pénalisée par un score légèrement inférieur à son prédécesseur, Josselin de Rohan en son temps, au point de rendre sa victoire très improbable. Mais lors du débat organisé par les trois chaînes bretonnes (Tébéo, Ty Télé et TVRennes 35), le président du conseil régional est apparu sur la défensive, agacé qu'on vienne lui contester son bilan et sa volonté d'union. Pugnace, la préfète n'a pas manqué d'insister sur le rôle de l'État, le déséquilibre est-ouest et la nécessité d'orienter la formation vers la recherche d'un travail. Ou encore sur son ancrage définitif dans une région qu'elle n'a jamais quittée. Quant à Hascoët, après avoir réglé, sans excès, ses comptes avec Le Drian dont il sera à l'avenir, n'en doutons pas, l'un des meilleurs opposants, l'ancien secrétaire d'État a souligné sa volonté d'éviter toute démagogie, notamment à l'égard des agriculteurs confrontés à l'échéance de la fin de la Politique agricole commune (PAC) en 2014. Autant dire que l'habileté et le sens de la communication dont Jean-YvesLeDrian a toujours fait preuve se trouvaient, hier, confrontés pour la première fois à deux poids lourds qui pèseront désormais dans un débat régional où le principal acteur n'avait jusqu'alors guère de réels opposants. Alors que la réforme territoriale s'impose désormais pour donner plus de lisibilité à l'institution régionale, dont le premier tour a montré qu'elle suscitait une certaine indifférence, le deuxième mandat du président Le Drian, qui se profile, sera sans doute moins confortable que le premier.

http://www.letelegramme.com/ig/generales/fait-du-jour/regionales-le-grand-debat-18-03-2010-829661.php 

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