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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 16:27

 

 

 

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DISCOURS DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Commémoration du 150ème anniversaire 
du rattachement de la Savoie à la France

Chambéry -- Jeudi 22 avril 2010

 


Messieurs les Ministres, 
Monsieur le Président du Conseil Régional, 
Messieurs les Présidents des Conseils Généraux de la Savoie et de la Haute Savoie, 
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, 
Madame le Maire de Chambéry, 
Mesdames et Messieurs,

 


Il y a 150 ans, la Savoie et Nice s'unissaient à la France. Cette union ne fut pas, comme si souvent dans l'histoire, le fruit ni d'un héritage dynastique ni d'une guerre de conquête.

Deux peuples qui se connaissaient, qui se comprenaient, qui se respectaient, qui s'aimaient, décidèrent de former une seule nation. La géographie, la langue, le sentiment, la raison les poussèrent dans les bras l'un de l'autre.

Quand le Piémont voulut unir l'Italie, la Savoie et Nice se sentirent à l'écart de ce grand projet. Elles se souvinrent alors qu'elles avaient été françaises et aspirèrent à le redevenir. La Savoie qui n'avait pas été conquise par la Révolution mais qui s'était donnée à elle par amour de la liberté, ne pouvait oublier son sang versé sur tous les champs de batailles de la République et de l'Empire. De ces victoires et de ces défaites qui avaient été aussi les siennes, de ces joies et de ces peines partagées durant 23 ans, elle avait gardé une nostalgie que rien n'avait pu arracher du cœur de tous les Savoyards.

Département français, la Savoie l'avait été parce qu'elle l'avait voulu, parce qu'elle l'avait librement choisi. Elle avait servi sa patrie d'adoption avec enthousiasme et avec une fidélité sans faille. Même aux heures les plus sombres, elle ne l'avait jamais abandonnée, jamais trahie, jamais reniée.

Elle s'était sentie bien dans la France.

Waterloo et le Congrès de Vienne l'avaient arrachée à sa nouvelle patrie sans que le peuple savoyard fût consulté. 
Aussi, quand l'histoire lui permit de choisir à nouveau son destin, elle n'hésita pas.

Certes, la réunion de la Savoie et de Nice à la France fut d'abord une affaire diplomatique. Ce fut le prix que le Piémont consentit à payer à la France pour son soutien à sa politique italienne. Ce fut le prix du sang français versé à Magenta et à Solferino pour l'unité de l'Italie.

Le 2 avril 1860, Victor Emmanuel II, Roi de Piémont-Sardaigne, déclara : « Par reconnaissance pour la France, pour le bonheur de l'Italie, pour consolider l'union des deux Nations qui ont entre elles des communautés d'origines, de principes et de destinées, il y avait un sacrifice à faire ; j'ai fait celui qui coûtait le plus à mon cœur... » 
Mais c'est en définitive le peuple savoyard qui choisira son destin en approuvant à la quasi unanimité le rattachement de la Savoie à la Nation française par 136 566 voix sur 137 189 votants.

En 1860, les Savoyards se sont sentis français, confirmant par ce vote massif le choix qu'ils avaient déjà fait en 1792.

Ils n'ont cessé depuis lors de manifester leur attachement à la patrie qu'ils se sont choisie.

Si, comme on l'a dit, « la Nation française est un plébiscite de tous les jours », ce sont les Savoyards qui ont depuis 150 ans le mieux illustré cette formule.

Car c'est ici, dans cette Province, dernière venue dans la communauté nationale, que s'est manifesté, à chaque fois que les circonstances l'ont exigé, le plus ardent patriotisme français.

Qui pourra oublier le sacrifice héroïque des soldats et des francs-tireurs savoyards en 1870 ?

Qui pourra oublier les blessés, les mutilés, les morts couchés dans la boue des tranchés de la Grande Guerre à laquelle la Savoie paya un si lourd tribut.

Qui pourra oublier la résistance savoyarde, les maquis, les héros des Glières, les habitants des villages qui ravitaillaient, informaient, cachaient les partisans au péril de leur vie ?

Qui pourra oublier ces hommes courageux, ces femmes admirables, qui ont si bien incarné les vertus d'un peuple qui, en luttant depuis des millénaires avec la montagne et le climat, s'était forgé un caractère hors du commun ?

On a dit que c'était la neige qui en conservant les traces avait mené les Allemands jusqu'aux combattants des Glières. La nature savoyarde est souvent rude, impitoyable, éprouvante. Elle tend des pièges. Mais son austère grandeur tire les âmes vers le haut.

Aux Glières, il n'y avait pas que des Savoyards de souche. Mais tous communiaient dans le même esprit de sacrifice au milieu de ce décor grandiose qui semblait destiné de toute éternité à servir de cadre à la tragédie.

La tragédie a besoin de la grandeur.

Elle l'a trouva sur ce plateau sauvage où soufflait tout l'esprit de la Savoie.

L'esprit de la Savoie n'était pas que dans le décor. Il était aussi dans l'âme des Chasseurs Alpins qui a tant irrigué la résistance savoyarde et qui était si présente aux Glières.

Les traditions de cette arme d'élite magnifient les vertus savoyardes. Ses pages de gloire sont la gloire de la Savoie, même si tous les Chasseurs Alpins ne sont pas Savoyards. Elles sont la gloire de la France.

Je veux rendre hommage à ces combattants héroïques qui se sont tant battus pour notre pays dans toutes les batailles où son sort s'est joué.

Les troupes de montagne ont été engagées au Liban, au Tchad, en Côte d'Ivoire, au Kossovo, en Bosnie-Herzégovine, en Afghanistan...Partout où elles sont présentes, elles défendent nos valeurs. Je ne peux avoir ici qu'une pensée particulière pour le 13ème bataillon de Chasseurs Alpins de Chambéry dont 500 hommes sont engagés en Afghanistan et dont le comportement dans un contexte si difficile et si dangereux fait honneur à la France et à son armée comme il leur a toujours fait honneur au cours de son histoire.

Depuis 150 ans, c'est en étant fidèle à elle-même que la Savoie a été si profondément française.

Les Savoyards qui ont émigré jadis, si nombreux, hors de la Savoie, ont emporté avec eux les vertus que leur avaient transmises leurs aïeux. Elles étaient si fortes qu'ils n'ont pu les oublier et qu'ils les ont transmises à leur tour, intactes, à leurs enfants, engendrant en France, en Europe et dans le monde des générations d'entrepreneurs obstinés, de travailleurs courageux, de soldats, de fonctionnaires pénétrés de leurs devoirs.

Ceux qui sont venus en Savoie, qui n'y étaient pas nés ont été comme happés par sa personnalité si forte. Ils se sont imprégnés à leur tour de ses vertus, de son caractère.

Il y a une puissance assimilatrice de la Savoie qui vient de la nature et de la culture.

Le peuple savoyard est un très vieux peuple qui, depuis la préhistoire, n'a cessé de se mélanger, de se métisser, mais qui s'est très tôt forgé une unité, une identité. Depuis le premier comte de Savoie jusqu'à la réunion du duché de Savoie à la France, sept siècles se sont écoulés.

La France, c'est une multitude de petites patries qui se sont rassemblées pour en former une grande, mais qui ont gardé leur caractère et le souvenir de leur ancienne individualité. Derrière le centralisme et l'uniformité administrative, c'est la diversité qui depuis toujours domine. L'exode rural, les révolutions industrielles, les guerres, les immigrations, ont depuis longtemps mélangé les populations des vieilles provinces françaises sans les faire disparaître : elles vivent à l'intérieur de la culture et de l'identité françaises et chaque nouvel apport ajoute à cette richesse.

Et de toutes les provinces françaises la Savoie est l'une de celles qui se sont senties d'emblée les plus françaises sans rien renier de leur caractère propre, en ne cessant jamais d'affirmer leur personnalité.

La Savoie donne tous les jours la preuve que l'on peut être pleinement français et attaché à ses racines, que l'on peut être ouvert tout en s'efforçant de rester soi-même, que l'on peut être fidèle à son histoire et tourné vers l'avenir.

C'est par la valeur du travail et de l'effort, c'est par son esprit d'entreprise que la Savoie a arraché à la nature sa prospérité.

Considérons la réussite de la Savoie : elle est remarquable. La qualité de sa production agricole, son savoir-faire industriel, son succès touristique lui permettent de regarder l'avenir avec confiance. Elle a su tirer le meilleur parti de toutes ses ressources. De ses handicaps, elle a su faire une force. D'une nature rude, elle a su faire un atout. A l'origine de cette réussite, il n'y a rien d'autre ici que le génie d'un peuple, ses vertus foncières, son courage, son intelligence, son ouverture d'esprit, sa rigueur, son obstination.

Là où elle est placée, avec ce qu'elle a accompli depuis un siècle et demi, avec ce qu'elle a su préserver de son authenticité, la Savoie possède tous les moyens de sa réussite future. Mais si les succès sont remarquables, rien pour autant n'est acquis.

La réussite de la Savoie s'inscrit dans celle des grandes politiques nationales qui ont dans le passé associé efficacement l'initiative publique et l'initiative privée.

Dans les infrastructures, l'aménagement du territoire, le tourisme, l'agriculture, la politique industrielle, l'impulsion publique a été décisive. Elle le sera encore dans l'avenir.

La Savoie a besoin de nouvelles infrastructures, d'une énergie pas trop chère, d'une rénovation de son offre touristique, d'un renouvellement de sa base industrielle ébranlée par la mondialisation et par la crise, d'un effort de recherche qui lui permette de prendre une avance technologique des domaines de pointe où elle a tout pour réussir.

Elle a besoin d'une politique d'aménagement transfrontalière qui lui permette de tirer le meilleur parti de sa situation.

La candidature d'Annecy aux Jeux Olympiques est le symbole de cette volonté collective de se projeter dans l'avenir et de construire un nouveau modèle de développement pour le XXIe siècle. 
L'État mettra tout en œuvre, soyez-en sûrs, pour qu'Annecy soit choisie. 
Je veux dire aussi que, s'agissant de cette grande infrastructure d'avenir qu'est la liaison Lyon-Turin, tout sera fait pour que le calendrier prévu, sur lequel l'Italie et la France se sont mises d'accord, soit respecté.

Je sais que les deux départements de la Savoie réfléchissent à la possibilité de se réunir en un seul pour regrouper les moyens et rendre à la Savoie son ancienne unité administrative. Je ne peux que me réjouir de cette évolution qui dans le cadre de la réforme à venir permettra d'adapter notre organisation territoriale aux besoins et aux réalités locales qui ne sont pas forcément les mêmes dans chaque région.

Il y a dans la Savoie comme un condensé de France.

D'une France qui veut rester un creuset de valeurs fortes, d'une France qui a le goût de la liberté, la passion de l'égalité, le sens de la fraternité.

D'une France qui est l'héritière de vingt siècles d'histoire, de vingt siècles de civilisation et qui en est fière.

D'une France qui ne veut pas voir disparaître tous ses villages, tous ses clochers, toutes ses usines, toutes ses fermes parce qu'ils font partie de son identité.

La Savoie a ses villages, semblables à tous les villages de France avec leurs clochers, leurs monuments aux morts où sont gravés tant de noms. Elle a ses lieux de mémoire. Elle a ses usines, ses champs, ses pâturages. Elle, qui a su faire vivre ses vallées industrieuses, ses appellations d'origine contrôlées, son immense domaine skiable, elle sait que pour vivre elle a besoin de l'équilibre de toutes ses parties, qu'elle a besoin de ses ouvriers, de ses paysans, que s'ils partaient tous, si elle abandonnait des pans entiers de son territoire, elle y perdrait son âme, sa culture, sa richesse.

Une partie de l'avenir de la France se joue dans les montagnes et les vallées de la Savoie. Dans la mécanique de précision, dans le décolletage, dans l'agriculture de montagne, dans les sports d'hiver, la Savoie a acquis toute seule une réputation mondiale. La capacité de la France à préserver cette réputation, à la valoriser, est un enjeu majeur pour notre pays.

La Savoie doit être le laboratoire d'un nouveau modèle de développement, d'un nouvel équilibre entre l'homme et la nature mais n'en faisons pas une réserve d'où l'homme serait exclu, où il n'y aurait plus d'activité humaine.

La grande réussite de la Savoie c'est d'avoir su faire vivre la montagne, c'est d'avoir mis de la vie dans les vallées les plus reculées, c'est d'avoir construit des villes, des villages, des routes, des ponts, des barrages, des usines, des stations de sport d'hiver.... sans que la Savoie soit défigurée comme l'ont été tant d'autres régions dans le monde et même en France.

La grande réussite de la Savoie, c'est d'avoir enraciné des emplois dans la montagne, dans les vallées.

La grande réussite de la Savoie, c'est qu'elle produit, c'est qu'elle crée, c'est qu'elle vit.

Il y a des progrès à faire en matière de développement durable, de protection de l'environnement et de la biodiversité. Il faut préserver ce patrimoine exceptionnel que sont les Alpes mais nous devons trouver un équilibre pour qu'elles continuent à vivre, pour que des familles continuent de s'y installer, de s'y enraciner.

Nous ne commémorons pas aujourd'hui ce 150e anniversaire de la réunion de la Savoie et de la France pour nous enfermer dans le passé.

Si beaucoup de Savoyards d'aujourd'hui ne sont pas nés en Savoie, si beaucoup d'autres sont les enfants des immigrés italiens, espagnols, portugais, polonais, algériens qui, tout au long du XXe siècle sont venus apporter à la France le renfort de leurs bras et de leur cœur, cette histoire est quand même la leur parce qu'elle n'est pas seulement celle des Savoyards de vielles souches. Elle est l'histoire de tous les Français car la première chose que l'on partage dans une Nation, c'est une histoire commune.

Et dans le souvenir émouvant de cette union qui donna à la France son visage définitif, dans l'histoire de cette province si tardivement rattachée, il y a l'histoire de tous ceux qui ont un jour décidé de devenir Français et de prendre en partage l'histoire, la culture, les lois, les idéaux de la France.

La commémoration de la réunion à la France de la Savoie et de Nice c'est celle de notre unité nationale et des valeurs qui la fondent : le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, l'égalité des droits et des devoirs, l'égalité des chances, la reconnaissance du mérite, le patriotisme...

L'histoire de la Savoie est exemplaire puisque dix ans à peine après le rattachement les soldats se battent dans la guerre de 1870 avec une ardeur sans égale.

L'histoire économique est aussi édifiante. Faisant figure de départements sous-développés en 1860, la Savoie et la Haute-Savoie se classent un siècle plus tard respectivement au 8ème et au 6ème rang des départements français pour le niveau de vie. En quelques décennies d'efforts et de travail l'image du « petit ramoneur savoyard » a disparu. De péjoratif « savoyard » est devenu synonyme de grande vertu.

Louis Armand parlant pour la Savoie lors des cérémonies du 100ème anniversaire disait qu'il avait fallu deux conditions pour que ce miracle s'accomplisse : la première fut l'entrée de la Savoie dans l'économie française. La seconde fut la qualité des hommes qui ne sont pas restés passifs.

Ce que la Savoie a accompli c'est en quelque sorte l'idéal que notre République s'assigne pour chaque Français et pour chaque région française.

Pourquoi l'intégration de la Savoie a-t-elle si bien réussi malgré les handicaps du départ ? Parce que la France a su se montrer accueillante mais aussi parce que les Savoyards se sont donnés du mal.

Nous sommes ici dans une région où depuis toujours l'on travaille et l'on se bat sans rien demander, où l'on trouve normal de faire son devoir, où l'on a des valeurs.

Les Savoyards ont apporté à la France un état d'esprit que l'on aimerait parfois voir plus répandu et dont l'on a pu mesurer la grandeur dans les épreuves.

Il y a dans l'intégration de la Savoie à la Nation une valeur d'exemple qui ne doit pas nourrir je ne sais quelle nostalgie mais qui doit être une valeur pour le présent et pour l'avenir.

Il y a dans l'intégration de la Savoie à la Nation une leçon à tirer pour chacun d'entre nous sur la signification que nous donnons à la France et sur ce que nous voulons en faire.

Si les Savoyards, comme les Niçois, ont tant voulu devenir Français, eux qui formaient au cœur de l'Europe une si vieille nation, c'est parce qu'ils y ont reconnu leur intérêt mais aussi leur idéal. Au chant des Allobroges, ce chant de liberté pour tous les peuples opprimés que chantaient tous les Savoyards, seule la France, à leurs yeux, pouvait répondre parce qu'elle leur offrait l'espérance de demeurer à jamais des hommes libres.

Michelet a dit joliment « Les provinces françaises se sont comprises, se sont aimées ». Si nous voulons transmettre à nos enfants la France que nous avons reçue en héritage, si nous voulons pouvoir continuer de défendre notre liberté, notre langue, notre culture dans le monde, nous devons continuer cet effort multiséculaire pour nous comprendre les uns les autres et nous aimer assez pour rester unis. Car la France, si prompte à se diviser, n'est forte, nous le savons tous, que lorsqu'elle est rassemblée. 
Ayons confiance dans notre pays, dans ce qu'il peut accomplir, soyons fiers de lui, de ses valeurs, c'est un grand et beau pays.

Vive la Savoie, 
Vive la République et 
Vive la France !

 

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